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La 15ᵉ Conférence des Parties (COP) à la Convention de Ramsar, organisée sous le thème « Protéger les zones humides pour notre avenir commun », s’est achevée le 31 Juillet. Cette édition a été marquée par une plus grande prise en compte de la connectivité écologique, de nouveaux leviers financiers, la gestion de certaines tensions diplomatiques reflétant le contexte global actuel.
Entre consensus et divergences : une diplomatie mise à l’épreuve
Cette COP n’a pas échappé au contexte diplomatique et géopolitique actuel.Une résolution prolongeant celle adoptée à la COP14 sur les impacts de la guerre en Ukraine a été soumise au vote, contrairement à la pratique habituelle du consensus. Sur 109 votants, 42 ont soutenu le texte, 11 s’y sont opposés et 52 se sont abstenus. La Russie a dénoncé une politisation des négociations et annoncé son retrait de la Convention, soutenue en partie par la Chine.
Par ailleurs, l’Algérie a tenté de contester certains sites Ramsar déclarés par le Maroc au Sahara, proposant des critères plus stricts pour l’inscription et le suivi des sites. Face à l’opposition de nombreuses parties, elle a finalement retiré sa résolution, mais prévoit de la reformuler.
Les États-Unis sont intervenus pour la première fois en fin de négociations, surprenant les délégations, en posant cinq « lignes rouges » (climat, équité et genre, Agenda 2030, ODD, financement). Cependant, ils n’ont pas bloqué le consensus sur l’adoption des résolutions.
Au final, malgré ces tensions diplomatiques marquées, la COP15 est parvenue à adopter la grande majorité des résolutions, dont le nouveau plan stratégique, essentiel pour orienter l’action au cours de la prochaine décennie, ainsi qu’à approuver une augmentation de budget. Cependant, le consensus traditionnel, pierre angulaire de nombreuses négociations internationales, apparaît de plus en plus fragilisé.
Connecter les écosystèmes : un engagement qui continue de prendre de l’ampleur sur la scène internationale
Marquée par un contexte diplomatique général complexe, cette COP a abouti à l’adoption d’un nouveau plan stratégique, le cinquième, couvrant la période 2025-2034.
Ce plan, “plus aligné avec les cibles du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal”, aborde la question de la connectivité dans son But 3 : « Les zones humides d’importance internationale sont reconnues, efficacement conservées et gérées et, grâce à la désignation de sites qui le méritent (….) la connectivité écologique [a] considérablement augmenté[e] dans le réseau des zones humides d’importance internationale».
Toutefois, on peut regretter que la question de la connectivité ne soit pas davantage détaillée dans les objectifs liés à ce but. L’opérationnalisation concrète et le suivi de cet objectif seront donc à surveiller dans le développement futur du cadre opérationnel, notamment avec les indicateurs, rapports nationaux et outils de suivi prévus.
La notion de connectivité a été abordée de manière transversale lors de la COP15 Ramsar, non seulement dans le plan stratégique, mais aussi dans plusieurs résolutions touchant à la gestion des sites, à la gouvernance et à la coopération régionale. Cet intérêt s’explique par le fait que, dans les paysages africains, européens ou mondiaux, la mobilité des espèces — qu’il s’agisse d’oiseaux migrateurs, d’amphibiens, de mammifères semi-aquatiques ou de poissons — est intrinsèquement liée à la continuité écologique entre zones humides, forêts riveraines, prairies, plaines inondables, etc.
La mobilité des espèces joue un rôle moteur dans la prise de conscience des enjeux liés à la connexion des espaces naturels. Elle pousse les décideurs à envisager de plus en plus ces milieux, non plus comme des entités isolées, mais comme un véritable « continuum écologique ». Celui-ci s’inscrit dans des dynamiques géographiques, internationales et territoriales imbriquées.
Par exemple :
- La résolution sur le renforcement des actions nationales en faveur de la conservation et de la restauration des voies de migration et des sites d’importance critique des oiseaux d’eau (COP15 Doc.23.16 Rev.1) qui souligne que la conservation des voies de migration contribue à la réalisation de plusieurs cibles du Cadre du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal (CMB), notamment en renforçant la connectivité écologique. Elle encourage donc les parties à mettre en place des actions au niveau national pour conserver et restaurer les voies de migration des oiseaux d’eau, qui assure la sécurisation des réseaux écologiques et la connectivité des ces sites.
- La résolution sur la reconnaissance des dauphins de rivière et d’autres espèces indicatrices des zones humides intérieures pour la conservation et l’utilisation durable des cours d’eau (COP15 Doc.23.21 Rev.1) qui encourage “la création de corridors favorisant la connectivité écologique entre les zones humides du bassin de l’Amazone” pour améliorer la protection des dauphins de rivières.
- La résolution sur la restauration des écosystèmes d’eau douce dégradés afin de préserver les caractéristiques écologiques, la biodiversité et les services écosystémiques (COP15 Doc.23.15 Rev.1) qui encourage la restauration des écosystèmes d’eau douce dégradés, avec une approche intégrée à l’échelle des paysages et bassins versants, pour reconnecter les habitats et atteindre l’objectif mondial de restaurer 30 % des zones dégradées d’ici 2030.
On voit ici que l’inscription de la connectivité dans l’objectif A et la cible 2 du CMB est particulièrement positive pour la diffusion du concept, dans un contexte où les différentes COP souhaitent de plus en plus favoriser la transversalité de leurs missions.
Financement : des solutions innovantes pour faire face à des inégalités persistantes
En parallèle des négociations, l’un des sujets centraux pour les parties en présence était la question du financement, notamment de la conservation, et en en particulier sur le continent africain qui abrite 25% de la biodiversité mondiale, mais ne reçoit que 2 à 3% des financements globaux pour la biodiversité.
Bien sûr, les crédits carbone et leurs homologues, les crédits biodiversité, ont largement été mentionnés lors des débats. Le pays hôte, le Zimbabwe, a discuté de potentiels projets liés à ces enjeux , par exemple le développement d’une méthodologie pour les crédits biodiversité basée sur des projets de terrain pilotes en collaboration avec des pays européens comme la France.
Le Zimbabwe a également évoqué la possibilité de mettre en place un accord bilatéral s’inspirant du modèle actuellement utilisé par la Zambie avec des pays comme la Suède dans le cadre de l’article 6 de l’accord de Paris. Ce type d’accord fixe un cadre officiel pour le transfert international de crédits carbone (ITMOs), permettant à un pays acheteur de comptabiliser les réductions d’émissions réalisées par le pays hôte dans le cadre de ses propres engagements climatiques. Un tel dispositif favorise non seulement l’investissement dans des projets concrets de réduction ou de séquestration des émissions (par exemple dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique ou la restauration d’écosystèmes), mais il renforce également la coopération bilatérale, la transparence et la crédibilité des marchés internationaux du carbone, tout en évitant le double comptage.
D’autres méthodes ont également été discutées comme :
- Le Fonds vert pour le climat : fonds international créé en 2010 dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui vise à financer, entre autres, les projets d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement.
- Le Fonds pour l’environnement mondial : fonds international créé en 1991 qui soutient les actions des pays en développement autour de cinq enjeux prioritaires ( la perte de biodiversité, les produits chimiques et les déchets, le changement climatique, les eaux internationales et la dégradation des terres).
- Les “Nature Bonds” : des instruments financiers de restructuration de la dette nationale qui financent spécifiquement la biodiversité. Ils fonctionnent comme des obligations dont le remboursement ou la réduction des taux d’intérêt est lié à des résultats environnementaux positifs, tels que la conservation, la restauration ou la protection de la biodiversité. Par exemple, un pays pourrait refinancer sa dette souveraine à un taux d’intérêt plus faible à condition que la différence soit investie dans des projets dédiés à la nature.
- Les Accord de gestion de la biodiversité : un contrat ou accord formel entre propriétaires fonciers et autorités gouvernementales visant à protéger, gérer et valoriser la biodiversité sur une zone donnée. Ces accords encouragent la conservation volontaire, la restauration écologique et le suivi durable des habitats via des engagements spécifiques, pouvant inclure des compensations financières ou techniques. Ils sont un outil de gouvernance locale pour intégrer la biodiversité dans l’aménagement du territoire1.
La COP15 Ramsar a confirmé l’importance croissante de la connectivité écologique dans les politiques internationales. Elle a aussi souligné (ou rappelé) que les enjeux environnementaux restent étroitement liés aux équilibres diplomatiques et aux mécanismes financiers. Malgré des tensions géopolitiques et un consensus plus difficile à maintenir, la conférence a permis l’adoption d’un nouveau plan stratégique ambitieux pour la décennie à venir.
Mais au-delà des engagements adoptés, le véritable défi commence maintenant : leur mise en œuvre concrète. Le succès de cette nouvelle feuille de route dépendra de la capacité des Parties à traduire leurs promesses en actions mesurables, avec des outils de suivi robustes, un financement équitable et une coopération renforcée.
1 What are Biodiversity Stewardship Agreements and how are they funded?, Atlantech, https://atlantech.com.au/2024/09/24/what-are-biodiversity-stewardship-agreements-and-how-are-they-funded/
Crédit image : Highlights and images – ENB-IISD – Wetlands_Convention – 31Jul25 – Anastasia Rodopoulou – Photo 75